Retour à l’a-normal ?

Félicitons-nous d’une part de vie sociale redevenue plus normale : nous ne sommes pas faits pour vivre dans l’isolement et l’enfermement. Pour le reste, les promesses d’un monde d’après s’épuisent plus vite que le temps de parution des tribunes indignées sans objectif politique cohérent.

La morale de classe se déverse. Bien sûr qu’on peut se surprendre aux files d’attente à l’approche des Mac-Donald, mais on s’est moins offusqué de celle devant Vuitton. Pourquoi se moquer de celles et ceux qui se rendent aux seuls restaurants aux prix relativement modestes ouverts, mais pas de la possibilité de dépenser d’un coup plusieurs smics en vêtements? Les reportages se multiplient sur de prétendues futilités, qui ne font que souligner ce que disait déjà Henri Bergson : le capitalisme a développé «de prétendus amusements qu'un industrialisme mal dirigé a mis à la portée de tous. » Plus que les comportements individuels, c’est bien une civilisation qui reste à critiquer et à transformer.

Les incohérences de la gestion et de la communication gouvernementale ont accru ces indignations à géométrie variable. On crie haro sur les jeunes profitant des premiers jours de liberté et se retrouvent sur les rives du canal Saint-Martin, mais on ignore la promiscuité dans les transports. Nos centre-villes souffrent de l’absence de parcs – et le comble est atteint quand ils restent fermés, obligeant à de plus grandes concentrations à leurs marges. Là encore, le monde d’après accouche d’une souris et non d’une montagne éco-responsable.

Sur le plan des libertés publiques on ne s’étonnera pas que la tendance à l’arbitraire perdure. Les rares rassemblements de gilets-jaunes, ou en soutien aux soignant.e.s ont été sanctionnés. Les restrictions absurdes continuent à pleuvoir. Ici le Président de la République intervient pour rouvrir le parc historico-réactionnaire du Puy du Fou, quand bien des espaces naturels restent conditionnés à un contrôle policier de nos attitudes corporelles. On ne soulignera jamais assez combien nous-nous habituons à cette intrusion dans nos habitus justifiée par la crise sanitaire, mais nous préparant à une police des mœurs. Le vote de la loi « Avia » pendant l’état d’urgence ajoute une censure plus grande. Qu’on ne s’étonne pas alors que sur le plan économique, ce soit businnes as usual. Les primes promises fondent comme neige au soleil pour les salariés quand les profits continuent de croître pour les plus riches, le commerce de proximité est étranglé là où les plateformes multinationales profitent de la demande pour instaurer un quasi-monopole.

Nous ne pouvons attendre le monde d’après. Aujourd’hui la résistance doit inventer de nouvelles formes de contestation, sinon, le monde continuera sa course folle. Là où il y a un but, il y a un chemin.

 

Benoît Schneckenburger 

 

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