L’ère du 49.3

En dégainant l’article 49 alinea 3 de la Constitution à plusieurs reprises en quelques jours à peine, le pouvoir macroniste signe son époque. Celle du néolibéralisme autoritaire. Cet article constitutionnel est une brutalité antiparlementaire, donc antidémocratique. Il permet en effet au gouvernement de faire adopter un texte par l’Assemblée sans vote de celle-ci ! La seule manière de rejeter le texte est alors l’adoption d’une motion de censure renversant le gouvernement.

Refuser à chaque fois le 49.3 est la moindre des choses pour qui est attaché à la démocratie parlementaire. Car cet article dépossède les députés de leur - déjà trop maigre - pouvoir. A ce titre, les applaudissements des députés macronistes à l’annonce du recours au 49.3 sont stupéfiants. Que vaut un député qui se réjouit d’être privé de vote ? Que vaut un parlement qui se réjouit ou s’accommode d’être dessaisi ? A quoi bon alors garder un parlement ?

Oui, chercher à renverser le gouvernement c’est, dans la monarchie présidentielle, risquer la dissolution de l’Assemblée par le président en représailles. Et alors ? Le camp de la gauche est historiquement celui de la souveraineté populaire contre le droit de veto du roi. Elle ne doit en aucun cas avoir peur de retourner aux urnes sauf à accepter le véto du monarque présidentiel sur les choix de l’Assemblée. Ce serait une régression de 230 ans et un renoncement à sa première raison d’être.

Il est particulièrement symptomatique que le 49.3 soit utilisé pour faire adopter les textes budgétaires. Car dans l’Histoire, la bataille pour le consentement à l’impôt est fondatrice de la démocratie. En 1776, c’est au cri de « pas d’impôt sans représentation » que se fait la révolution américaine. En 1789, c’est la convocation par Louis XVI des Etats-généraux pour régler les difficultés budgétaires du royaume qui débouche sur la Révolution française.

Les 49.3 macronistes ne sont pas anecdotiques. Ils s’inscrivent pleinement dans le cycle néolibéral-autoritaire européen. Commencé par la négation des votes populaires des Français et Hollandais de 2005, il s’est poursuivi par l’écrasement de la Grèce par la Banque centrale européenne et l’UE. C’est ce cycle qui fut résumé en 2015 par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker affirmant qu’il n’y a « pas de démocratie possible contre les traités européens ». En France, les derniers recours au 49.3 portent sur les réformes du marché du travail (loi Macron, loi El-Khomri), la réforme des retraites de 2020, et donc sur des budgets d’austérité. Refuser le 49.3, c’est aussi refuser ce régime austéritaire.

Au moment où Emmanuel Macron prépare une offensive sans précédent avec le report de l’âge de la retraite à 65 ans, l’heure est à encourager la contestation de sa politique injuste, autoritaire et climaticide. Il faut donc assumer que l’objectif est de mettre la macronie hors d’état de nuire par tous les moyens légaux à disposition. C’est-à-dire donner le signal du combat social et démocratique.

Matthias Tavel

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