Industrie : tout doit disparaître ?

Imaginez Michelin quitter Clermont, ou Airbus fermer à Toulouse. C’est l’ampleur du désastre qui s’abat avec la liquidation de la papeterie Arjowiggins dans la Sarthe. 586 emplois supprimés dans une commune de … 2200 habitants, Bessé-sur-Braye. Sans oublier 147 autres supprimés à 40 km de là sur un autre site repris seulement en partie par un de ses clients locaux. La liquidation est une terrible nouvelle pour les salariés, leurs familles. Tout le bassin de vie est frappé. Il faut lire les témoignages des commerçants, des sous-traitants, des enseignants expliquant les difficultés des enfants depuis que la menace de la liquidation planait. Et Arjowiggings n’est pas seule malheureusement. Il y a eu Ford en Gironde. Il y a les menaces sur Ascoval dans le Nord. Bientôt Alstom ? Et combien d’autres ? Chaque région a eu, a ou aura son Arjowiggings.

Le cas « arjo » est exemplaire de tout ce qu'il faut changer dans les règles et politiques économiques en France et en Europe. Arjo est liquidée. Pourtant l'activité est d'intérêt général puisqu'il s'agit de papier recyclé. Pourtant les salariés ont démontré leurs qualités et proposé une solution de reprise viable. Pourtant les collectivités locales étaient prêtes à injecter plusieurs millions d'euros.

Ce qui arrive n'était pas une fatalité. C'est le résultat de décisions politiques qui ont donné les pleins pouvoirs aux actionnaires pour pomper la trésorerie contre les salariés et l’investissement, d'un gouvernement qui n'a pas voulu nationaliser, même temporairement, pour donner le temps de consolider la solution proposée. Au moment de soutenir le projet de reprise des salariés, le ministre Le Maire s’abritait derrière « les règles au sein de l’Union européenne [qui] stipulent que les financements publics, dans le cadre d’un projet de reprise, ne doivent pas excéder 50% ».

Tout dans cette affaire indique la voie à suivre pour éviter de telle situation : créer de nouveaux droits pour les salariés, poursuivre et punir les actionnaires et patrons voyous, mettre enfin en place une stratégie industrielle adossée à une planification écologique, rompre avec les traités européens pour protéger les emplois et industries du dumping par un protectionnisme solidaire et du dogme de la concurrence.

Il y a d’autant plus urgence qu’une nouvelle crise se prépare. Fin mars, à la bourse de New York, les taux d’intérêts des emprunts à dix ans de l’Etat américain sont devenus inférieurs à ceux aux emprunts à trois mois. Un signal généralement annonciateur de récession. La dernière fois que cela s’est produit, c’était en 2007, juste avant la crise des subprimes. Mieux vaut prendre les devants et se donner les moyens de défendre, définanciariser, reconstruire, relocaliser et réorienter l’appareil de production avant de nouveaux drames sociaux.

Matthias Tavel

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