Défense : Le gâchis malien d’Emmanuel Macron

Après 9 ans de présence militaire au Mali, la France est poussée vers la sortie par la junte militaire. Emmanuel Macron tente de sauver la face. Il s’entoure de dirigeants africains et européens pour ne pas paraître isolé. En réalité, il s’est embourbé tout seul et cherche à faire oublier que son obstination nous a conduit dans l’impasse. Quoi qu’il en soit, c’est un épilogue douloureux pour bien des raisons.

Des soldats français ont perdu la vie là-bas et des centaines d'autres ont été blessés en accomplissant leur mission. La France a consacré environ 8 milliards d'euros à une guerre menée principalement à l'appel des dirigeants maliens. Elle n'a donc pas mérité l'opprobre.

En revanche, il est vrai que la situation au Mali est pire qu’au début de l’opération Barkhane. L’aire d’influence des groupes armés est plus vaste. Des milliers de victimes civiles sont à déplorer et le vivier d’où sortent les terroristes n’est pas tari.

La brouille entre autorités françaises et la junte malienne est une absurdité compte tenu des liens particulièrement étroits qui unissent nos deux pays. Il y a des Français là-bas, des Maliens ici et combien encore de binationaux.

Pour en arriver à ce gâchis, il est clair que des erreurs et des fautes ont été commises. Il est temps d’en tirer les leçons.

Tout d’abord, on ne peut régler militairement des problèmes politiques. La rhétorique de la « guerre au terrorisme » est vide de sens. On ne combat pas un procédé. Quand donc pourrait-on considérer que la guerre est finie et que les soldats peuvent rentrer ? Avec un objectif aussi vague, Hollande puis Macron nous ont condamnés à l’enlisement.

Pour enrayer la violence, il faut assécher le terreau où elle naît : la misère, l’absence de l’État, l’absence de démocratie, le sentiment d’injustice nourri par le souvenir d’anciennes répressions, l’endoctrinement de la population financé par des puissances étrangères… Ainsi, alors que les armées françaises ont pu annoncer années après années faire subir des pertes importantes aux groupes armés ennemis, le nombre de leurs membres est resté relativement stable. Les causes de la violence n’ont pas été réglées. Force est de constater que l’Etat et ses services les plus élémentaires ne sont pas revenus. La justice en particulier fait défaut et les populations en viennent à devoir recourir à l’arbitrage de groupes armés qui finissent par représenter des alternatives à l’autorité de l’Etat.

Le gouvernement français a systématiquement négligé la question démocratique dans son approche. Alors qu’il se faisait fort d’adopter une stratégie dite des « 3D » combinant « diplomatie », « défense » et « développement », il s’est refusé à y ajouter un quatrième « D », celui de démocratie. Il y a eu trop d’incohérences dans l’attitude française sur ce sujet pour que les peuples de la région puissent y voir clair. Macron a soutenu la dictature d’Idriss Déby au Tchad en faisant même bombarder des colonnes rebelles par des avions français. Il a entériné le coup d’Etat de son fils et s’est même rendu à sa prestation de serment. Il a fermé les yeux sur les irrégularités qui ont entaché les élections dans la région. Il a soutenu jusqu’au bout le président Ibrahim Boubacar Keïta dont l’incapacité à lutter contre la corruption était notoire, pour ne pas dire davantage. Comment dans ces conditions construire autour de l’intervention française l’adhésion du grand nombre ?

Or, c’est la deuxième leçon : on ne peut avoir raison tout seul. Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron n’a consulté personne. En dépit des demandes répétées des élus insoumis ni le Parlement ni le peuple français n’ont voté sur son action militaire, le peuple malien non plus. Comme en toute chose, Macron a choisi le fait du prince.

D’autres manifestations d’arrogance ont nourri la défiance à l’égard de la France et le sentiment qu’Emmanuel Macron traitait la région comme un « pré carré » : la convocation des chefs d’Etat africains au sommet de Pau ; les mots blessants à l’égard du président Kaboré ; l’entêtement récent à chercher des moyens pour rester au Mali malgré l’avis contraire des autorités de fait.

Le défaut de communication autour d’incidents graves et de bavures potentielles ont aussi pesé dans la défiance de la population. Après le bombardement de Bounti, les incidents mortels de Tera et Kaya ont suscité l’indignation sans que les autorités françaises n’apportent véritablement les éléments nécessaires pour faire la transparence. Ceux qui considéraient déjà la France comme une puissances néocoloniale se sont sentis confortés et leur message a encore gagné en portée.

Les contradictions françaises ont pu être facilement instrumentalisées. Deux sont particulièrement marquantes. Affirmer encore aujourd’hui qu’il s’agit de protéger les Français d’éventuels attentats organisés depuis le Sahel est une fausseté. Même Florence Parly en a convenu dans l’hémicycle en avril 2021. Utiliser ce genre d’argument pour faire accepter cette opération ne peut que susciter des doutes. Ils seront d’autant plus forts désormais que nous consentons à quitter le Mali. Comment le gouvernement français se résout-il à quitter le pays si cette intervention était si importante pour garantir la sécurité des Français ?

La deuxième contradiction aura été décisive. Comment pouvait-on prétendre « en même temps » que nous agissions pour protéger la population malienne et prendre des sanctions économiques alors que la pauvreté est déjà si dure ? Il était évident que cette façon de contraindre la junte à respecter ses engagements et à organiser des élections produirait l’effet inverse : souder la population derrière elle. Au point que la situation est devenue intenable. Après avoir montré si peu d’intérêt pour la démocratie, ces sanctions ne pouvaient pas sembler autre chose qu’une manifestation d’hypocrisie.

Et maintenant ? Emmanuel Macron a annoncé le repli de nos forces armées au Niger et au Tchad et précisé que « l’esprit reste le même ». En effet oui, l’esprit est le même et il est bien évident que le résultat risque fort d’être le même. Encore une fois aucune discussion n’aura eu lieu. Les décisions ont été annoncées une semaine avant le débat parlementaire du 22 février. Emmanuel Macron encore une fois aura piétiné la représentation nationale et la démocratie. « L’esprit reste le même » puisqu’aucun objectif clair n’est donné. La France finira donc par être pointée du doigt pour son incapacité à régler des problèmes qu’elle ne peut précisément pas régler. Elle compte encore s’appuyer sur la dictature tchadienne pour accueillir nos soldats. Pour sauver les apparences, nous voilà « partis pour rester ». Heureusement, les élections présidentielles permettront aux Français de mettre en place une nouvelle stratégie dont les objectifs sont clairs : renouer la confiance et organiser un départ ordonné de nos soldats, comme les élus insoumis le demandent depuis 2017.

Bastien Lachaud, Député LFI

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