7 mars 1921 – Forteresse de Kronstadt

Le 7 mars 1921, après une préparation d'artillerie, les troupes de l'Armée rouge s'élancent sur les eaux gelées de la baie de Petrograd à l'assaut de la forteresse insulaire de Kronstadt et de ses près de 15 000 défenseurs. Les dirigeants bolcheviks souhaitent écraser l'insurrection rapidement, avant que la fonte des glaces rende l'île inaccessible par voie terrestre.

En cet hiver 1921, le gouvernement né de la Révolution d'Octobre est désormais solidement installé. Les forces blanches et les puissances occidentales hostiles sont chassées du territoire. Mais après sept années de conflit, la disette fait rage, l'économie de guerre pèse sur les conditions de vie. Le mécontentement croît d'autant plus que le pouvoir, remis par la Révolution d'Octobre aux « soviets » (conseils) d'ouvriers, de paysans, de soldats qui ont spontanément éclos à la chute du tsar, glisse progressivement entre les mains du Parti communiste de Russie (bolchevik, PC).

Latente dans la paysannerie et même dans la classe ouvrière, la contestation prend à Kronstadt une dimension nouvelle. Le 28 février, en soutien aux ouvriers grévistes de Petrograd, les marins des cuirassés Petropavlovsk et Sebastopol votent une résolution en 15 points. Parmi les revendications, l'élection des soviets au suffrage secret, la liberté d'expression et de réunion, un assouplissement de l'économie de guerre. Ces soldats, qui appuyèrent les bolcheviks lors de leur accession au pouvoir, leur adressent un geste de défi. Des pourparlers s'engagent, mais échouent, et le 2 mars un comité révolutionnaire élu par les délégués des marins prend le contrôle de la base navale.

Le gouvernement leur répond par un ultimatum, puis par les armes. La révolte, affirme-t-il, est l'œuvre de contre-révolutionnaires stipendiés par l'étranger. Les combats sont féroces, des communistes volontaires viennent pallier le manque d'ardeur de la troupe, l'aviation intervient. Le 17 mars, Kronstadt tombe. Les survivants sont fusillés ou déportés, tandis que 8 000 insurgés parviennent à fuir. Les pertes sont sévères du côté bolchevik.

L'écrasement de ce soulèvement mené au nom du pouvoir des soviets est concomitant d'un changement de cap. Réuni au même moment, le Xe congrès du PC supprime le droit de fraction et restreint le débat interne, et dans le cadre de la NEP restaure l'initiative économique privée. Ironie de cet événement, symbole de la trahison des bolcheviks pour les anarchistes et libertaires : le 18 mars, le PC célèbre le 50e anniversaire de la Commune de Paris.

Thibaut Langlois

Image : « Mort aux bourgeois ! » Marins de Kronstadt sur le cuirassé Petropavlovsk en été 1917.

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