L’esprit de la République

La manifestation des policiers le 19 mai ne finit pas d’inquiéter. Loin de l’hommage citoyen, elle a effectivement constitué un coup de force contre la République. Celles et ceux qui y sont allés, aux côtés de l’extrême droite, du ministre Gérald Darmanin aux dirigeants du Parti Socialiste ou de EELV sont comptables d’un coup de force. Cette manifestation ne devait rien au hasard : le lieu, devant l’Assemblée Nationale, visait à faire pression sur les institutions en demandant au pouvoir législatif de prendre le parti du pouvoir exécutif contre la justice. Dès lors on ne s’étonnera pas des propos tenus : un syndicat de police disant que « les digues cèderont, les digues c’est-à-dire les contraintes de la constitution, les contraintes de la loi » ; et le socialiste Olivier Faure demandant un droit de regard de la police sur la justice. Il ne s’agit pas de dérapages, mais bien d’un état d’esprit inscrit profondément, d’ailleurs une fuite de presse nous apprend que le Bureau National du Parti Socialiste avait validé cette ligne la veille.

En République la démocratie est inséparable de la séparation des pouvoirs. Au pays de Montesquieu et de Rousseau, on devrait savoir que la souveraineté du peuple passe par la loi qui ne peut être dictée par les autres pouvoirs. « Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs » disait Montesquieu, quand Rousseau mettait en garde le peuple contre la tendance de l’exécutif à « persévérer en corps » et à vouloir se substituer à la volonté générale. Après des années d’états d’urgences sécuritaires et sanitaires, certain.e.s se sont semble-t-il habitués à leurs excès de pouvoir.

Roland Barthes nous disait que « le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire. » Qu’une grande partie de la classe politique vienne participer à cette opération de basse police en dit long sur le progrès des idées d’extrême droite. Nous assistons moins à une dé-diabolisation du Front National qu’à une fascisation de l’esprit des élites médiatiques. Sur les chaînes d’information en continu les esprits se lâchent. Certains se complaisent à mettre en scène le duel Macron Le Pen, d’autres transforment leurs plateaux en porte-voix des idées fascistes. L’agenda politique semble dicté par la réaction. Il est temps de réagir.

Le 12 juin, suite à l’appel d’associations, syndicats et mouvements politiques, nous manifesterons pour la liberté et contre les idées d’extrême droite. Ces idées, nous le savons désormais, seront portées par une large part des canditat.e.s en 2022, notamment ceux de la majorité sortante, car, comme le rappelait l’appel initial « de la loi sécurité́ globale à la loi sur le séparatisme en passant par la chasse à l’islamo-gauchisme et la suppression de l’Observatoire de la laïcité, ce quinquennat accumule les gages à destination de l’extrême droite. »

Les poujadistes, c’est eux. La république, c’est nous.

Benoît Schneckenburger

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