La transition ne sera pas un dîner de gala

Le « monde d’après » le coronavirus est manifestement une source inépuisable d’inspiration pour les tribunausores de toutes obédiences. Sachons distinguer. Plusieurs textes dessinent un « après », fait de « transition écologique et solidaire ». C’est ainsi un fait majeur de voir les principaux syndicats combatifs aux côtés des ONG écologistes. Une alternative idéologique se répand. Savourons ce regroupement pour lequel nous œuvrons depuis tant d’années.

On aurait pourtant tort de croire qu’il suffira de quelques tribunes ou même de quelques colloques, voire d’une hypothétique « primaire » qui ne tardera pas à être proposée, pour construire un « bloc de la transition » et rendre celui-ci majoritaire. Pour paraphraser la célèbre phrase de Mao, la transition ne sera pas un dîner de gala.

D’abord parce que la préparation du « monde d’après » n’est pas réservée aux défenseurs de l’horizon écologiste et social. Trump avance ses pions dans la bataille avec la Chine pour le leadership mondial. Les blanchisseurs fiscaux néerlandais et les vieux conservateurs allemands préfèrent étrangler leurs voisins européens qu’honorer un prétendu idéal de solidarité. Les régimes autoritaires comme le pouvoir macroniste restreignent les libertés. Les profiteurs de la crise empochent les milliards, versent des dividendes, vendent à prix fort des millions de masques qu’on croyait en pénurie. La frange libérale et patronale exige déjà « des efforts » et de « travailler plus » pour « rembourser la dette ». Et dans son coin, l’extrême-droite espère tirer profit de la calamiteuse gestion de crise. Bref, la « transition » pourrait bien être pire que l’existant. Une fenêtre est ouverte pour faire avancer des idées. Mais elles n’avanceront pas toutes seules.

Pour que la « transition » aille dans le sens écosocialiste, les intérêts à affronter sont puissants. De multiples appels pointent la nécessité d’investissements publics massifs et de relocalisation de l’économie. Le rôle de l’Etat et la nécessité d’une planification écologique sont repris. Parfait. Reste à s’en donner les moyens. A ce sujet des mots manquent souvent dans ces textes : indépendance nationale, protectionnisme, rupture avec les traités européens, affrontement avec le capital financier.

En un mot, l’exigence de souveraineté est au cœur de la bataille pour la « transition ». Souveraineté alimentaire, technologique, sanitaire, industrielle bien sûr. Mais également souveraineté politique du peuple contre l’oligarchie et la monarchie présidentielle. Et surtout souveraineté de chacun sur sa propre vie et donc exigence d’une transformation des conditions sociales à l’heure où des millions de gens ont faim ou peur de perdre leur emploi ou de ne pas en retrouver. A un moment où le monde semble nous échapper, « la transition écologique et solidaire » doit apparaître comme un moyen de reprendre le contrôle si elle veut exister non seulement dans des tribunes mais dans les esprits et les votes d’une majorité de Français.

 

Matthias Tavel

Image par Sarah Lötscher de Pixabay 

 

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