Esprit de justice
La garantie des libertés fondamentales est un signe majeur de la définition d’un régime démocratique. Le combat se mène aujourd’hui tant au niveau de la justice réelle avec toutes les manifestations contre le racisme et les violences policières, que sur le plan des droits démocratiques généraux.
La sortie de L’État d’urgence sanitaire, comme on le craignait n’est pas pour demain. Si le Conseil d’État a pu lever l’interdiction de rassemblements de plus de dix personnes pesant lourdement sur le droit de manifester, le gouvernement a dès le 14 juin pris une nouvelle disposition liberticide. Conformément à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 qui pose le droit fondamental à la liberté d’expression, jusqu’alors le droit de manifester reposait sur une simple déclaration et non une demande d’autorisation. Dans le droit fil de l’arbitraire développé pendant le confinement, le gouvernement d’Emmanuel Macron vient d’inverser la procédure octroyant aux préfets un pouvoir d’autorisation et d’interdiction préalable inédit, dénoncé par les syndicats et associations de défense des droits de l’homme. La censure devient au nom de L’état d’urgence la norme. Cela aurait dû être également le cas pour l’expression sur les réseaux sociaux avec la Loi Avia, dont le Conseil Constitutionnel vient de casser la plupart des dispositions. La défense des libertés fondamentales doit demeurer une constante, le retour probable d’épidémies ou de crises climatiques servant de prétexte à l’instauration de régimes de plus en plus autoritaires, accompagnant l’agenda d’un capitalisme prédateur préférant la licence du commerce à la liberté politique.
Karl Marx a insisté sur le fait que la justice ne peut consister dans la seule défense des droits formels, et que la liberté et l’égalité devaient s’incarner dans des situations concrètes. D’où l’importance à accorder à la vague de dénonciations des situations de discriminations, de Me Too à Black Lives Matter. Le déni de ces situations, leur invisibilité, participe de leur violence. Mais il ne s’agit pas d’en rester à l’indignation, seules des mesures politiques concrètes peuvent y remédier. La violence policière n’est pas seulement le fait de dérapages individuels, mais du rapport à la violence institutionnalisé par l’organisation administrative. Les inégalités entre hommes et femmes ne seront levées que par un arsenal de sanctions plus fort que leur déni. La ségrégation raciste suppose également des instruments de contrainte pour l’embauche, le logement, et un réinvestissement de L’État dans les quartiers défavorisés. Seule l’égalité, et donc l’universalité républicaine, permettra de mettre fin aux replis communautaires, et en premier lieu à celui des plus riches qui s’isolent dans leur mépris de classe. L’égalité profitera à tous et toutes. La prise en compte des droits des défavorisés ne prive personne de droits ou de privilèges , elle en étend la portée.
Benoît Schneckenburger
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