Entretien : « Le macronisme, c’est le chaos »

Entretien avec Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et présidente du groupe LFI-NUPES

Quelle impression générale vous laisse la session extraordinaire de l'Assemblée qui s'est achevée le 4 août ? 

L’objectif est atteint. Nous avons permis de reparlementariser la vie politique française. Le rôle de l’Assemblée nationale est renforcé. En effet, Emmanuel Macron a été défait aux élections législatives. La majorité du peuple français a marqué son refus de sa politique de maltraitance sociale et d’inaction écologique. Il a perdu 100 députés. Il n’a plus de majorité absolue au Parlement. La toute-puissance du monarque présidentiel est limitée. Désormais, tous les votes peuvent basculer. Cela apporte une dose massive de 6ème République dans la 5ème.

La panique gagne la Macronie ! Pour construire des majorités, les macronistes doivent composer avec Les Républicains, menacés de dissolution dans le camp présidentiel. Mais, surtout, ils cotisent auprès de l’extrême droite. Rappelons que Macron et son gouvernement ont une responsabilité historique dans l’élection de 89 députés RN. De Gérald Darmanin trouvant Marine Le Pen « trop molle », à l’utilisation de concepts d’extrême-droite tel celui de « nation organique », LREM a tout fait pour faire gonfler l’extrême-droite afin de se faire réélire face à elle.  Puis, dans les duels qui ont opposé la NUPES au RN, le bloc macroniste a préféré faire barrage à la NUPES. En faisant élire des députés RN à des postes clés de l’Assemblée en échange de votes, main dans la main, contre la hausse des salaires ou contre le gel des loyers, les macronistes ont franchi un nouveau cap. Les voilà alliés pour le pire. Le RN s’accommode très bien du macronisme. Ces gens-là sont les idiots inutiles de la Macronie. La seule opposition à ce pouvoir et donc la seule alternative, c’est la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale.

Malgré l'absence de majorité absolue, le gouvernement semble avoir la même pratique que lors de la précédente législature sans tenir compte de l'opposition et malmenant le Parlement, vous confirmez ? 

La Macronarchie continue. Le double langage est permanent. Le Président de la République parle de « nouvelles méthodes démocratiques » en avril. Dans la foulée, l’option « 49.3 » est brandie par le ministre Bruno Le Maire pour faire passer en force l’injuste réforme des retraites. Quand Elisabeth Borne refuse pour la première fois en 30 ans de se soumettre à un vote de confiance, le mépris est à son comble. Mais ils ne se sont pas arrêtés là dans le piétinement de la démocratie. Quand le résultat ne leur plaît pas, ils font revoter à 2 heures du matin pour annuler 500 millions supplémentaires débloqués pour les retraités ! N’en déplaise à ce régime à la dérive autoritaire, le temps des députés playmobils est révolu !

La NUPES s’est installée comme la seule force d’opposition, le travail commun fonctionne-t-il bien ? 

L’élection de 151 députés NUPES a été rendue possible par les 7,7 millions de voix qui ont porté la candidature de Jean-Luc Mélenchon et par l’alliance programmatique historique qui a fédéré des forces humanistes, des personnalités syndicales, associatives, des artistes et des universitaires. Nombreux étaient ceux qui promettaient un éclatement dès les premiers votes et débats parlementaires. Il n’en est rien d’abord et avant tout parce que nous avons construit un programme partagé de rupture. Nous sommes d’accord pour la retraite à 60 ans, le SMIC à 1500 euros, le Référendum d’Initiative Citoyenne, une 6ème République et la planification écologique. Il s’agit de faire face au plus grand défi du siècle : préserver nos conditions d’existence menacées par le réchauffement climatique.

Dès notre arrivée à l’Assemblée, nous avons construit un intergroupe fonctionnel. Ce travail en coordination a permis de présenter d’emblée une motion de défiance et deux textes en commun. Le premier pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, le second pour le pouvoir d’achat. Nous avons aussi présenté à chacun des postes de l’Assemblée, des candidatures communes. Et obtenu de haute lutte l’élection d’Éric Coquerel à la présidence de la commission des finances. Sans parler des victoires de la NUPES au service de l’intérêt général : fin du passe vaccinal et fin de l’état d’urgence sanitaire ou encore déconjugalisation de l'Allocation Adulte Handicapé après six refus de la Macronie. Cela nous a installé comme seule opposition et seule alternative crédible à Emmanuel Macron.

Le gouvernement insulte souvent les insoumis, que répondez-vous ?

Le camp macroniste ne supporte pas l’existence d’une opposition. Alors ils nous couvrent d’insultes et de fausses polémiques à répétition pour nous discréditer. Nous ne sommes pas dupes de leurs diversions. Quand la NUPES et surtout les insoumis sont accusés d’être mal-habillés, d’être des « sans-cravates », c’est pour mieux dissimuler le vote commun LREM-LR-RN contre la hausse du SMIC et contre la taxe sur les profiteurs de crise.

Lorsque des ministres et la Première Ministre elle-même nous accusent, sans aucun fondement, d’être antisémites, c’est pour mieux occulter les UberFiles et le tapis rouge déroulé au saoudien Ben Salman. Ces infamants procès en antisémitisme nuisent à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans tous les pays où ils sont employés. Mais la NUPES a fait bloc. Car ce qui fonde notre engagement commun, c’est l’Humanisme. Nous défendons l’égalité des êtres humains entre eux, et combattons donc sans relâche toutes les discriminations qui l’empêchent.

Tout cela est particulièrement préoccupant pour notre démocratie. La coterie au pouvoir ne peut plus se prévaloir de la République. Car à travers ces insultes répétées, c’est aussi la complaisance des soutiens du gouvernement envers le RN que les macronistes voudraient dissimuler. Sans y être contraints, les macronistes ont permis au RN d’accéder à des postes clés. Ils ont désormais deux vice-présidents de l’Assemblée, un juge à la Cour de Justice de la République et un membre de la délégation parlementaire au renseignement. Du jamais vu depuis 1945. Ils ne voient aucun problème à leur donner accès à des informations classées secret défense. Le niveau de violence des attaques contre nous est un indicateur, rien de plus. Il est proportionnel à la peur que nous leur inspirons.  Car rien ne les effraie plus qu’un bloc humaniste prêt à prendre le pouvoir.

Qu'est-ce que ça change de passer de 17 à 75 députés insoumis à l'Assemblée et pour le mouvement ?

Tout ! Grâce à la force populaire construite dans les campagnes présidentielles de Jean-Luc Mélenchon puis des législatives, nous avons multiplié notre nombre de députés par quatre. C’est d’abord une immense fierté de compter dans nos rangs des figures associatives, des syndicalistes, des chercheurs, une femme de ménage, une ouvrière agricole, des travailleurs sociaux, des habitants des quartiers populaires... L’élection de Caroline Fiat, première aide-soignante de l’histoire élue en 2017, celle que les macronistes appelaient avec mépris la « députée bac-2 », à la vice-présidence de l’Assemblée cette année témoigne de la force populaire que nous construisons. 

Nous avons impressionné nos adversaires par la force argumentaire du groupe et en répliquant sans faille. Nous sommes le groupe le plus actif en nombre d’amendements et de prises de parole. Le « un pied dedans, un pied dehors » vise à faire rentrer les luttes dans l’Assemblée et faire connaître dehors tout ce qui est voté dans l’hémicycle. Cet été, nous avons organisé une commission d’enquête populaire « AlloSégur » avec des visites des hôpitaux du pays pour dresser des listes de ce qui manque au personnel soignant. Le bilan sera présenté mi-septembre et alimentera notre propre projet de loi de financement de la Sécurité Sociale. Nous allons continuer à porter dans l’hémicycle la voix des humiliés, des exclus et de celles et ceux que l’on n’entend jamais. Être des députés du peuple, c’est le seul moyen de renouer le lien entre le grand nombre et la politique.

La loi sur le pouvoir d’achat et la loi de finances rectificative ont marqué le caractère anti-social et anti-écologique du gouvernement : que faut-il en retenir ?

La souffrance sociale défigure et abaisse notre pays. C’est le résultat de cinq ans de macronisme, 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Le choc inflationniste plonge des milliers de familles supplémentaires dans une peur insupportable du lendemain. Que propose Emmanuel Macron ? Des revalorisations en dessous de l’inflation réelle soit une baisse du pouvoir d’achat, une hausse des loyers de 3,5%, une baisse des APL, et il pousse les Français à vendre leurs jours de RTT pour finir le mois.

L’augmentation du SMIC à 1500 euros et l’augmentation des salaires : refusées. Le gel des loyers : refusé. Le blocage des prix : refusé. La taxe sur les profiteurs de crise : refusé. Le rétablissement de l’ISF : refusé. La déconjugalisation de l’AAH : accepté … mais en 2023. Les macronistes n’ont pas changé, ils continuent de puiser dans le trésor public pour enrichir le trésor privé. Et les mêmes recettes mèneront aux mêmes échecs au détriment du peuple.

Au lieu d’une loi sur le pouvoir d’achat, ils ont voté un pot-pourri. En supplément, vous aurez la relance du charbon et l’importation de gaz de schiste. Cerise sur le gâteau : la suppression de la redevance audiovisuelle remplacée par un financement encore plus injuste via la TVA acte la fin du service public audiovisuel. Zemmour en rêvait, Macron l’a fait !

Comment continuer la bataille sur ce sujet, priorité des Français à la rentrée ?

Les universités d’été de la France Insoumise vont être un rendez-vous très important de la rentrée politique. Le sens de ces Amfis est de consolider cette force populaire à l’heure où les conséquences de toutes nos alertes ignorées s’étalent sous nos yeux : crise de l’eau, impasse du marché de l’énergie et du tout-nucléaire, impasse démocratique... Le macronisme c’est le chaos.

Nous allons nous mettre en ordre de bataille contre les mauvais coups du gouvernement. Pour détourner l’attention des vraies urgences, ils s’apprêtent à persécuter les exilés par un énième débat nauséabond et à enclencher un nouveau tour de vis de l’assurance chômage pour mieux persécuter les chômeurs. Mais nous allons contre-attaquer. Dans l’hémicycle par nos propres propositions de loi et un contre-budget. Et dans la rue avec une marche contre la vie chère début octobre. Le 4ème tour est commencé. Les jours de la Macronie sont comptés. Nous aspirons toujours à gouverner. Et nous y sommes prêts.

Propos recueillis par la rédaction

Partager cet article...
Share on Facebook
Facebook
Tweet about this on Twitter
Twitter
Email this to someone
email