Agroalimentaire : Farines animales, le retour

Comment faire du neuf avec du vieux ? Simple : il suffit de changer de nom. Les farines animales de sinistre mémoire, responsables de la maladie de la vache folle, font leur retour. Désormais ce sont des PAT, protéines animales transformées, et promis-juré, c’est du sûr. La Commission européenne qui en avait interdit l’usage en 2001 a pris la décision le 18 août dernier de revenir sur cette interdiction au motif qu’en 2018, « l’infectiosité totale associée à l’encéphalopathie spongiforme bovine était quatre fois inférieure à celle estimée en 2011 ».

Il faut sans doute être complotiste pour imaginer le patient mais efficace grignotage des lobbies de l’agroalimentaire. Jusqu’en 2009, seuls les animaux d’élevage à fourrure avaient droit aux farines/PAT, pratique étendue en 2013 aux poissons de l’aquaculture et dès ce mois de septembre, aux volailles et aux porcs. Mais il faut considérer nous dit la Commission la noble raison de cette ré-autorisation : elle « réduirait la dépendance à l’égard des pays tiers ».

Les PAT seraient « plus riches en protéines, en énergie et en acides aminés essentiels que le tourteau de soja », assure un expert. Que des avantages : 50 euros la tonne contre 250 à 300 pour le tourteau, une empreinte carbone incomparable - les pieds de porcs, plumes, peaux, têtes de volailles, et autres « sous-produits animaux » étant locaux. « Difficile d’y être opposé » en raison « du risque demain de distorsion de concurrence », plaide le président de la Fédération nationale porcine.

D’autres risques, il n’y a point. Il suffit d’être futé : ne gaver les porcs qu’avec des sous-produits de volailles et vice versa. Ainsi, en évitant le « recyclage intra spécifique » - l’alimentation d’une espèce par ses propres sous-produits -, on peut se mettre à table tranquille. Même si les abattoirs et usines ne sont guère spécialisés et que la confusion des genres au cours de cette transformation des sous-produits en PAT et leur transport paraît possible. Et que si la Commission européenne « recommande » un traitement séparé, elle laisse des possibilités de dérogations à chaque État membre.

Heureusement, à ce nouveau menu des porcs et volailles, la Commission a ajouté les larves d’insectes. Si on les débarrasse convenablement des micro-organismes pathogènes de leurs déjections avec un petit jeûne de 24h, ce n’est rien que du bon. Peut-être subsistera-t-il quelques métaux lourds, du plomb, du cadmium, de l’arsenic dont sont riches lesdites larves… C’est clair, l’agro-alimentaire s’est promis de nous faire avaler bien plus que des couleuvres.

Jean-Luc Bertet

Partager cet article...
Share on Facebook
Facebook
Tweet about this on Twitter
Twitter
Email this to someone
email