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Trompe l’œil et perspectives

Cette fin de semaine, c’est la rentrée des classes politique. Hier encore, j’aurais dépeint le paysage de manière corrosive en notant le délitement de chaque formation un an après le précédent exercice.

Là j’aurais parlé de l’université d’été du PS à La Rochelle, désormais réduite à un rassemblement de notables via un séminaire de direction et une formation exclusivement réservée à ses élu-e-s. Plus loin je me serais gaussé du rendez-vous fixé au Touquet par le canal officiel, donc sarkozyste, de LR tandis que chacune des innombrables et indispensables personnalités du parti initiait son propre rendez-vous dans son coin. J’aurais mentionné le cache-cache du FN en proie à un affrontement de lignes stratégiques pour se dérober au temps de cohésion estival. Par souci d’exhaustivité, j’aurais même évoqué les journées d’été d’EELV avec Hamon mais sans Hulot, et même, qui sait, l’université d’été du PCF.

Hier encore… mais aujourd’hui point. Car tous ceux-là se contentent désormais d’habiller le paysage après avoir abandonné leur position d’acteurs. Les partis du vieux monde ont volé en éclat lors des élections présidentielle et législative. Ils ne reviendront pas. Même leurs improbables combinaisons pour mettre en commun l’oxygène sont mort-nées : les rustinages d’appareils qui se dessinent pour les élections sénatoriales de septembre autour de listes ou de candidat-e-s de « toute la gauche » ou de la « droite rassemblée » sont sans coagulant politique hors la tétanie que suscite chez eux Emmanuel Macron et témoignent d’un passé dont ces dirigeants nostalgiques ne peuvent imaginer se défaire.

Inutile donc de s’y arrêter d’autant qu’il n’y a plus désormais d’énergie à tirer de l’effondrement des vieilles organisations. Le délitement du PS ou de LR a pu servir de carburant à l’émergence de mouvements. La France Insoumise comme En Marche ! s’en sont en partie nourris. L’élection présidentielle a depuis tranché, à sa façon, et donc de manière altérée, la question du basculement entre le nouveau monde et l’ancien. Les facteurs dynamiques pour celles et ceux qui prétendent à la rupture sont donc à chercher ailleurs.

C’est à une étape nouvelle de la formation de l’hégémonie que les forces qui veulent incarner le changement sont appelées. Dès son arrivée au pouvoir, En Marche ! l’a théorisée en cherchant à faire la jonction entre la passion populiste et la raison républicaine, comme en atteste la transformation du nom de son mouvement en La République en marche. Pour autant, la mise en œuvre politique révèle un Macron soumis à l’ordre libéral, et dont l’essence est donc d’abord d’être un conservateur. L’implacable perpétuation de l’existant laisse apparaître, à son corps défendant, le leurre de la rupture autour de laquelle il a su agréger. Faute d’avoir compris que la vague « dégagiste » qui affirme la volonté majoritaire de rompre avec la déclinaison nationale de l’hégémonie libérale n’est pas terminée, Macron et les siens sont pris dans une contradiction à laquelle ils ne peuvent surseoir que par la stratégie du coup de force social et donc institutionnel : ils ne peuvent s’inscrire dans le processus constituant, parce que le processus destituant n’est pas allé à son terme du fait de leur seule présence aux responsabilités.

Bien plus qu’avec les trompe-l’œil organisés par les reliquats des vieux partis, la nouvelle étape de la bataille pour l’hégémonie se joue désormais face à un clan qui a fait de Macron sa figure de proue. Le rendez-vous estival de la France Insoumise à Marseille, en appelant dès à présent à une marche le 23 septembre contre le « coup d’état social » de Macron, se singularise en ce qu’il dessine lui des perspectives à vocation majoritaire en débordant le seul front social – nécessaire – pour porter la confrontation dans le champ politique et démocratique, là où doit se parachever la rupture avec tous les dépositaires des politiques qui agissent contre les intérêts du peuple.

François Cocq

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