L’insoumission qui vient
Le 22 mars a marqué la première étape de la mobilisation contre la réforme de la SNCF. Elle a été non seulement plus forte que prévue mais aussi d'emblée plus large puisque l'ensemble des services publics ont été touchés, jusqu'au cœur régalien de l’État puisqu' un agent de Bercy sur trois était par exemple en gréve. A la SNCF, ce début de mobilisation est historique depuis 1995 : prés de la moitié du total des personnels et 70% des conducteurs et des contrôleurs avaient cessé le travail, ce qui montre l'ampleur de la prise de conscience des agents du service public ferroviaire. En s'abritant derrière des sondages de circonstance sur le soi-disant échec de cette mobilisation, le président et son bouclier médiacratique ont immédiatement affiché leur mépris. En affirmant depuis Bruxelles que « l'impact des mouvements sociaux n'existe pas », le président Macron a d'emblée choisi la confrontation, dans une attitude rappelant celle de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé quand ils étaient au pouvoir.
Les difficultés pourraient pourtant s'aggraver pour le gouvernement en raison de l'existence de multiples foyers de mobilisation. Au même moment, la révolte des étudiants qui couve dans les universités pourrait devenir explosive. Surtout avec la découverte d'une cagnotte budgétaire de 7 milliards dans les comptes publics à la fin de l'année écoulée. Ces marges de manœuvre inutilisées rendent encore plus révoltante la pénurie subie par les universités rendues « autonomes ». Les nouvelles capacités d'accueil promises par la procédure « parcours sup » du gouvernement seront ainsi des mirages qui transformeront en cauchemar sélectif l'entrée dans l'enseignement supérieur pour la nouvelle génération de bacheliers qui se prépare. Trouver un large soutien populaire pour assumer cette autre confrontation sera encore plus compliqué pour le gouvernement. Et en tablant sur la supposée non solidarité des Français avec des cheminots en lutte pour leur statut, le gouvernement oublie aussi que la majorité de notre peuple refuse de voir disparaître le tiers du réseau ferré comme y conduirait sa réforme.
Bien que multiforme, le mouvement qui débute épouse donc un mécontentement plus global de la France populaire. Le grand nombre n'en peut plus du mal vivre en France et les envolées du gouvernement sur le « retour de la croissance » et la « bonne santé des entreprises » ne peuvent qu'attiser cette colère larvée. Surtout quand le président ignore ouvertement
les attentes populaires en assénant que ses réformes sont « ce que nombre de nos partenaires, et en particulier l'Allemagne, attendaient depuis de nombreuses années ». Les mouvements sociaux n'ont peut-être pas toujours l'impact immédiat que visaient leurs revendications. Mais ils ont toujours un effet plus profond dans l'histoire. Emmanuel Macron ne pourra ainsi qu'apprendre à ses dépens que le coût politique d'un affrontement avec la société en mouvement est toujours élevé en France. Que celui-ci se paie comptant de suite ou encore plus cher à retardement.
Laurent Maffeïs