Législatives : des élections à fort enjeu

Les élections législatives des 11 et 18 juin vont désigner 577 députés chargés de voter la confiance au gouvernement ou de le renverser, d’écrire les lois, d’adopter les budgets de l’État et de la Sécurité sociale. Priver E. Macron d’une majorité est une nécessité pour le pouvoir d’achat populaire et les droits des salariés.

Majorité godillot ou Assemblée insoumise ?

L’enjeu principal est évidemment de savoir si le président de la République disposera d’une majorité à sa botte. Sans majorité parlementaire, il ne pourra pas appliquer son programme. La logique monarchique de la Ve République, renforcée par l’inversion du calendrier électoral entre présidentielle et législatives et le mode de scrutin, peut lui permettre d’obtenir une majorité totalement soumise. Il a d’ailleurs prévenu dès février qu’il ne voulait « pas de frondeurs » dans sa majorité, et qu’il n’excluait pas de recourir à l’alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution pour imposer des textes sans vote si besoin. Mais les électeurs peuvent refuser de lui donner les pleins pouvoirs en élisant des députés insoumis ! S’ils en élisent une majorité, le président Macron devra se soumettre et le Premier Ministre Philippe se démettre pour laisser la place à un gouvernement de cohabitation d’un genre nouveau.

Ordonnances : mieux vaut prévenir que guérir

E. Macron ne veut pas de vrais députés. Au point qu’on peut se demander à quoi cela sert de voter pour ses candidats. En effet, la première tâche des députés est d’écrire et voter les lois. Or, E. Macron prévoit de demander aux députés, dès le mois de juillet, de renoncer à exercer ce pouvoir ! Il veut que l’Assemblée se fasse hara-kiri et abandonne au gouvernement le pouvoir d’écrire la loi à sa place, en légiférant par « ordonnances ». Et sur un sujet extrêmement important pour les millions de salariés du pays : le dynamitage du code du travail ! Passé le vote pour habiliter le gouvernement, les députés n’auraient alors plus rien à dire, plus de possibilité d’amender le projet, seulement de le rejeter à la fin. D’un point de vue social comme d’un point de vue démocratique, mieux vaut donc prévenir que guérir et élire suffisamment de députés pour empêcher une telle méthode et un tel projet.

CSG : l’automne fiscal de toutes les injustices ?

Une autre prérogative du Parlement est de voter l’impôt. C’est peu dire que le projet fiscal d’E. Macron est porteur de grandes injustices. C’est en quelque sorte un nouveau président des riches qui se profile. Il veut supprimer la moitié de l’impôt sur la fortune. Et pas n’importe laquelle, celle portant sur les patrimoines financiers dont les actions ! L’ancien ministre PS du budget a estimé que cela reviendrait à rendre 500 000 euros par an à chacun des 3 400 plus riches du pays. Dans le même temps, E. Macron veut faire payer le peuple. Il prévoit ainsi d’augmenter la CSG, prélevée directement sur les salaires et pensions, de 1,7%. Le projet Macron reviendrait à prendre 20 milliards d’euros dans la poche du peuple, soit plus que ce que prévoyait François Fillon avec sa hausse de TVA ! Officiellement, il s’agit de remplacer des cotisations à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Mais tous les salariés seraient frappés. Pour ceux du privé, ce serait la logique « donne moi ta montre et je te dirai l’heure », le gain de la suppression de cotisation étant quasi-intégralement absorbé par la hausse de CSG. Pour les fonctionnaires, actuellement dispensé de cotisations chômage du fait de leur statut, ce serait une perte sèche de pouvoir d’achat. Même chose pour les retraités ! Au total, une personne ayant un revenu de 1200 euros par mois devrait payer 250 euros supplémentaires par an !

Moralisation ou démocratie ?

Les annonces du ministre de la Justice F. Bayrou en matière de moralisation de la vie publique sont mises en scène pour masquer l’affaire Ferrand. Mais la reprise de mesures évidentes et présentes dans L’Avenir en Commun, comme la suppression de la Cour de Justice de la République ne masqueront pas l’absence de réforme démocratique réelle. La proposition insoumise de donner aux citoyens le droit de révoquer un élu n’est pas retenue. Les élus immoraux resteront donc en place faute de pouvoir être dégagés ! Surtout, ce vernis « moral » ne masque pas le coup de force que prépare le gouvernement avec ces ordonnances.
Mais M. Bayrou a également annoncé une révision de la Constitution. Ce serait la 25e révision depuis 1958, sans garantie à ce stade qu’elle serait soumise à référendum ni précision sur son contenu exact. On voit bien ici que la revendication d’une Assemblée constituante pour la 6e République est totalement légitime plutôt qu’un énième toilettage de la monarchie présidentielle. Mais là encore, cette révision dépend du vote aux législatives. En effet, s’il veut éviter un référendum, le gouvernement doit disposer d’une majorité des 3/5 du parlement réunis en congrès (Assemblée et Sénat). Or, rien n’indique que les promesses de campagne, mêmes limitées, de MM. Bayrou et Macron survivront au débat parlementaire. Un grand nombre de députés insoumis pourraient forcer ces piètres « moralisateurs » à accepter des réformes démocratiques d’ampleur sous peine de bloquer la révision.

Le CETA, un cadavre dans le placard

Une question va se poser très vite à la future Assemblée. C’est la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, le CETA. Le parlement européen a déjà donné son accord mais le traité doit être ratifié par tous les États-membres. Le président Macron pourrait décider d’un référendum mais il fera tout pour l’éviter. Le Conseil constitutionnel doit dire au début de l’été si la ratification de ce traité nécessite une révision constitutionnelle préalable. Dans tous les cas, le Parlement devra voter. De très nombreux députés insoumis pourraient faire capoter la ratification. Et 185 députés, soutenus par 4,5 millions de citoyens, pourraient exiger la tenue d’un référendum sur la base d’une procédure encore jamais utilisée mais prévue à l’article 11 de la Constitution. Il en ira de même si E. Macron et A. Merkel décident de changer les traités européens comme ils l’ont évoqué ouvertement à Berlin le 15 mai dernier. Le lien entre les députés et la mobilisation populaire pourrait alors empêcher bien des mauvais coups.

Faire vivre le programme

Chaque député dispose du droit de déposer des amendements aux projets de loi et des propositions de lois de son choix. Nul doute que des députés insoumis sauront se saisir de ces droits pour porter le programme L’Avenir en commun et imposer un débat sur la sortie du nucléaire ou le retour à la retraite à 60 ans ! Chaque groupe parlementaire (15 députés) dispose aussi du droit de créer une commission d’enquête parlementaire par an sur le sujet de son choix. Par exemple sur le pillage de certains fleurons industriels comme le préconise L’Avenir en commun ?

Matthias TAVEL

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