Le 12 septembre 1896 : Naissance d’E. Kagan (E. Triolet)

Elsa Triolet est la première femme (sur 12 lauréates à ce jour) à obtenir, en 1944, le prix Goncourt pour son recueil de nouvelles Le premier accroc coûte deux cents francs. Le titre, publié aux Éditions de Minuit pendant la guerre sous le pseudonyme de Laurent Daniel, en hommage à Laurent et Danielle Casanova déportée à Auschwitz, reprend la phrase qui annonça sur Radio Londres le débarquement de Provence.

Résistante, féministe, Elsa Triolet ne fut pas que la muse d'Aragon. Quand paraît Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, son texte « La Dignité des femmes » sonne lui aussi la charge: « En français l’humanité se compose d’hommes, bien qu’une partie de ces hommes soient des femmes »...« Un homme honnête est celui qui ne vole pas, une femme honnête est celle qui n'a pas d’amant, un homme galant est un homme poli et complimenteur avec les femmes dans le seul but de leur être agréable, une femme galante est une femme vénale ».

Ayant appris le français à Moscou dès l'âge de six ans, elle fréquente le cercle littéraire de Boris Pasternak mais quitte la Russie en 1917 avec son premier mari. Divorcée deux ans après, elle gardera son nom français: Triolet. Nostalgique, vagabondant entre Londres et Berlin, elle finit par découvrir Paris et former avec Louis Aragon ce couple emblématique né au café La Coupole en 1928. Alors parisienne aux revenus modestes, elle crée des colliers pour la haute couture tout en écrivant des articles pour des journaux russes et pour le quotidien Ce soir, dirigé par son nouvel époux. Elle traduit pour sa patrie d'origine des oeuvres telles que Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, mais poursuit sa propre production littéraire. En parallèlle, elle inspire celle du poète engagé qui choisit de publier malgré l'Occupation cet hymne à l'amour et à la France.

« Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa, les yeux d'Elsa, les yeux d'Elsa
».

Reporter durant le procès de Nuremberg, la résistante communiste poursuit son combat humaniste via « Les Batailles du Livre » avec le PCF. A la mort de Staline, elle condamne la dictature et intervient activement pour la parution en France du témoignage d'A. Soljénitsyne Une journée d'Ivan Denissovitch. Sa légende débute quatre ans avant sa mort en 1970, lorsqu'Agnès Varda réalise le documentaire Elsa la rose. Elle repose auprès d'Aragon pour l'éternité sous une tombe dont elle a écrit l'épitaphe.

Bérénice Hemmer

Crédit photo : Tombe d’Aragon et Elsa Triolet – Moulin de Saint-Arnoult en Yvelines par Philippe Stierlin

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