Défendre la laïcité

La laïcité a bien souffert : dénaturée, défigurée, manipulée tant et si bien que même des militant.e.s sincères ont pu finir par s’égarer sur des terrains glissants. Pire, Manuel Valls, parmi tant d’autres, a voulu faire croire que cette loi de liberté et de paix ne devait plus qu’être un instrument de coercition. Des médias conciliants ont repeint Marine Le Pen en nouvelle sainte laïque donnant acte à sa nouvelle croisade contre l’islam, accréditant par effet de miroir ceux qui dans le camp de l’islamisme politique ont aussi intérêt à faire croire que la laïcité serait incompatible avec la religion musulmane. Dès lors la porte était grande ouverte pour qu’Éric Zemmour puisse en faire son cheval de bataille, liant sa chimère du grand remplacement avec sa haine anti-musulmans. L’historien Gérard Noiriel a montré lumineusement le parallèle entre l’antisémitisme et les attaques dont font l’objet les musulmans, entre Drumont et Zemmour.

Il y a cependant une logique pour tous ces partisans d’une laïcité bien soluble dans le communautarisme. À l’heure où le libéralisme détricote toutes les solidarités organiques que sont les services publics : si l’hôpital, l’école et la sécurité sociale ne remplissent plus leurs fonctions, alors les liens communautaires vont prendre naturellement le relais. Manipuler les passions religieuses n’a rien de neuf. La ruse du politique consiste parfois à s’allier à l’autre loi, celle du ciel, mais la République, elle, ne reconnaît aucun ordre transcendant.

Difficile dès lors de maintenir haut et fort l’exigence d’une laïcité sans concession, et de refuser tous les amalgames. Dans un temps où le « buzz » l’emporte sur l’argument, on est très vite inaudible si l’on veut tenir un discours de conviction et de raison. Et pourtant des centaines de militant.e.s de la laïcité ont récemment invité à voter Jean-Luc Mélenchon au nom de la laïcité. La laïcité ne s’accorde pas avec les compromis du gouvernement Macron qui entend réparer les liens avec l’Église au rebours de la loi de 1905 laquelle, précisément, fait reposer les relations entre le politique et le religieux sur la nécessaire séparation des ordres. Le maire chez lui, l’Église chez elle, comme le revendiquait Victor Hugo. La laïcité ne peut reposer sur une loi « séparatisme » qui, au lieu de permettre une promotion de la laïcité et des principes de la République, ne prévoit que des sanctions et des contrôles accrus, visant également le monde associatif. La laïcité demande des actes concrets, notamment la défense de l’école publique en revenant sur la loi Debré qui permet le financement pour plus de douze milliards par an de l’école privée, le plus souvent confessionnelle. La laïcité n’est pas réservée à une partie de la population, elle doit être étendue à tout le territoire. Comment peut-on dire combattre le séparatisme et laisser une législation séparée sur une partie du territoire de la République ? Il faut abroger le Concordat d’Alsace Moselle, résurgence napoléonienne.

Benoît Schneckenburger

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