Essentielle culture

Encore une fois, les gens de culture, artistes et techniciens, font œuvre créatrice. L’occupation de nombreux théâtres pour protester contre la fermeture des lieux de culture au prétexte de la situation sanitaire féconde l’imaginaire, déconfine les esprits et les espoirs. Comme l’écrivait Victor Hugo, « les théâtres fermés, c’est le drapeau noir déployé ». Les théâtres occupés, c’est la vie qui reprend.

Il y a d’abord l’injustice des décisions gouvernementales. On peut s’entasser pendant des heures dans le métro, le train ou l’avion mais pas dans une salle de spectacle ? On peut aller à la messe ou à la mosquée mais pas au théâtre, au cinéma ou au concert ? On peut flâner dans les grands magasins mais pas dans les musées ? Absurde et injuste ! 

Il y a aussi l’urgence sociale de la situation des professionnels de la culture. L’abandon de la réforme de l’assurance-chômage et une deuxième « année blanche » prolongeant les droits des intermittents jusqu’en 2022 sont indispensables. Mais c’est surtout une année active et créative dont ces professionnels ont besoin et envie.

Il y a enfin une exigence morale, philosophique et même civilisationnelle. Car c’est une aberration fondamentale que de penser que la culture puisse être une activité non « essentielle ». Elle l’est évidemment sur le plan économique et social. Mais elle l’est aussi et d’abord au sens premier, comme participant à l’essence même de l’être humain. Peintures et rites dès les temps préhistoriques sont là pour nous prouver, si besoin était, que l’être humain est d’abord un être social, c’est-à-dire un être de culture. Pour vivre, il a besoin d’échanger, de créer, de dialoguer, de rire, d’appréhender ses peurs, ses espoirs, ses colères, ses doutes par les arts, la mise en scène, la représentation. Les millénaires passés depuis ont considérablement enrichi la palette des supports confortant cette vérité qui ne saurait être réduite à Netflix, Amazon ou aux privilèges accordés l’été dernier au Puy du fou !

La réouverture des lieux de culture et la reprise de toutes les activités culturelles et artistiques sont indispensables. Bien sûr, elles doivent se faire avec un protocole sanitaire strict. Aucun artiste ne veut contaminer son public si ce n’est par l’imaginaire. Il faut donc que l’Etat et les collectivités accompagnent techniquement et financièrement les adaptations et compensent le manque à gagner. Sinon seuls les gros de la mal nommée « industrie culturelle » standardisée s’en sortiront et le déconfinement sera la déconfiture de toutes les structures associatives, locales, indépendantes. L’ordre globalitaire qui veut dresser les goûts et l’intime autant que l’ordre du monde veut profiter de la crise. L’argent existe pour soutenir ces petites structures. Que les profiteurs de la crise, à commencer par les GAFAM et autres fournisseurs de « produits culturels » en ligne passent à la caisse !

150 ans après Courbet et Pottier, artistes élus à la Commune de Paris, la culture doit redevenir une priorité politique !

Matthias Tavel

Crédit photo : @Federation_MNCP Mouvement National des Chômeurs et Précaires

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